Un violon sur le toit

Un VIOLON SUR LE TOIT
de Scholem Aleichem

Profondément humain, équilibre parfait entre la comédie et la tragédie, Un violon sur le toit (1898-1916),a survécu à une langue d’origine, le yiddish, quasiment disparue en Europe. Pour nous détacher de la forme littéraire, Tevye le laitier s’adressera directement au public, substitut du silencieux Scholem Aleichem, (dans le texte d’origine supposément présent et unique interlocuteur) mais également aux différentes femmes qui peuplent son récit, sa facétieuse épouse et ses désobéissantes filles , toutes incarnées par une seule comédienne. Tevye, sorte de job comique, nous raconte avec talent les déboires auxquels il est confronté, et particulièrement les problèmes que lui posent ses filles qui représentent la modernité face à un père campé sur ses valeurs traditionnelles. Pour nous plonger dans l’ambiance de l’époque et des lieux, le public sera reçu autour d’un samovar, du thé   et des pâtisseries russes lui seront offerts et les récits seront entrecoupés de chansons traditionnelles en yiddish interprétées par une voix et un accordéon.

avec Yann Karaquillo, Léa Lecointe (comédiens), Florence Kolski (chant, mise en scène) et Eric Chaupitre (accordéon). Avec la participation de l’association Droujba.

Pourquoi Un violon sur le toit ?

Voilà des années, lorsque j’étais adolescente j’ai vu la version filmée de la comédie musicale Un Violon sur le toit. Tout de suite, dans le shetl de Tevye, je me suis sentie comme chez moi. Le yiddish, l’humour, l’auto-dérision, les personnages me parlaient. Je voyais l’univers d’enfance de mes grands-parents. Parce que l’histoire de Tevye, c’est celle de mon arrière grand-père et de ses six filles. Comme lui, il est né dans l’ancien empire russe ; comme lui il a été juif dans un milieu hostile, accroché à ses traditions, à sa langue, à sa religion ; comme lui il a subi les mutations culturelles et géographiques, la misère, la faim ; et comme lui il a été dépassé par la soif d’émancipation de ses filles qui sont toutes devenues communistes et sont parties aux quatre coins du monde pour ne jamais le revoir jusqu’à sa mort à Dachau.

Une fois adulte, je ne sais ni pourquoi ni comment, j’ai ouvert le livre Tevye le laitier. Là encore, je me suis sentie bien avec Tevye et sa famille. Lui insupportable, menteur, vantard, fat, bavard, mais tellement humain et attachant. Ses filles si respectueuses de leur père, si aimantes et pourtant désireuses de quitter le cocon familial dans lequel elles se sentent enferrées. Sa femme naïve, drôle et omniprésente.

Ce livre m’a permis de résoudre certains mystères de mon histoire familiale auxquels mon ignorance ne pouvait trouver d’explications. Par exemple, quand ma grand-mère est décédée, nous avons trouvé des documents sur son père qui spécifiaient qu’il était illettré. Or ma Gand-mère nous avait toujours raconté que son père était un érudit, un sage, un homme très religieux. Cela a créé beaucoup de remous dans la famille qui s’est mise à douter de la véracité des dires de ma grand-mère. Elle n’était plus là pour s’expliquer. Aujourd’hui j’ai compris : mon arrière grand-père parlait le yiddish et sans doute l’écrivait-il. Il avait appris à lire les textes bibliques à la Schul. Comme Tevye, il était un savant dans sa famille, dans sa communauté, mais un ignare, un étranger, un exclu dans son propre pays de naissance dont il ne savait pas écrire la langue.

Aujourd’hui, alors que le péril communautaire, dit-on, plane au-dessus de notre République une et indivisible, ce texte souligne la complexité qu’il y a à s’intégrer sans renoncer à ses propres valeur ainsi qu’à tracer une frontière nette entre ce qui est religieux et ce qui est de l’ordre de la coutume, les inexorables changements de mentalités qui surviennent au fil des générations et l’universelle difficulté des parents à transmettre leurs valeurs aux générations suivantes.

Je pense que ce texte parle de tous les pères et de tous les enfants depuis la nuit des temps quelles que soient leurs origines et leurs religions. Cette fenêtre que j’ai ouverte par curiosité identitaire m’a amenée dans un monde où chacun reconnaîtra une part de son présent et de son histoire. Mon ambition, à travers ce spectacle, est de mettre en lumière les différences culturelles et religieuses intergénérationnelles et d’amener le spectateur dans un monde disparu qui fait néanmoins écho aux problématiques de notre temps.